lundi 18 octobre 2021

A jamais jeune femme

Aujourd’hui je vais mettre en avant une aïeule invisible qui a vécu moins de trois décennies.

Louise RICOLLEAU 
ancêtre de la 7ème génération ~ sosa 93.

- image d'illustration -

Louise fait partie des 12 aïeules (dont j’ai la date de naissance exacte) qui sont décédées avant l’âge de 30 ans. Son décès est survenu il y a exactement 212 ans.

Enfance

Louise est née le 30 novembre 1780, à la borderie (et bourrine) des Cloisons, quartier du grand marais, sur la paroisse du Perrier, au cœur du marais breton. Ses parents, Jean et Jeanne CROCHET, sont tous les deux âgés de 40 ans, ils sont bordiers dans ladite borderie (depuis septembre 1770) en limite, c’est un étier qui fait cette limite, de la paroisse voisine de Saint Jean de Monts. 


Louise est leur quatrième enfant. Avant elle, trois garçons ont vu le jour : 

  1. Jean (1769-1808), 
  2. Pierre (1771-1803), 
  3. et Denis (1774-1841).

Un an plus tard, une petite Louise Jeanne voit le jour, le 6 décembre 1781 exactement (cette dernière est décédée en bas âge à une date inconnue).

Puis au début de l’été 1782, le père de famille décède dans la borderie  à l’âge de 41 ans. Louise n’a pas encore 2 ans !

Jeanne, sa mère, ne se remarie pas et continue d’exploiter la borderie avec ses enfants, l’aîné a 13 ans…

Une décennie passe et les troubles vendéens sont là et c’est à cette époque, et donc à une date inconnue (entre le printemps 1793 et juillet 1795), que Jeanne meurt à environ 54 ans.

La fratrie RICOLLEAU continue de vivre aux Cloisons en communauté familiale. L’aîné, Jean s’est marié clandestinement (voir note plus bas) en juillet 1795 avec Renée DELAVAUD (1768-1840), native de la paroisse de Saint Hilaire de Riez mais domestique au Perrier depuis 3 ans. C’est le curé de Croix de Vie « desservant le marais » qui célèbre l’union. Les témoins de Jean sont Pierre, son frère et son oncle maternel Martin CROCHET (1744-1809), de la borderie voisine du Porteau. Lors de cette union, Louise est une adolescente de 14 ans.

Union & famille

Quelques années passent, et Louise convole en justes noces à 22 ans le 15 janvier 1803 (25 nivôse an XI) sur la commune de Notre Dame de Riez avec Jean MASSONNEAU, 29 ans, bordier de ladite commune. Il exploite depuis 1796 en communauté familiale avec son frère Pierre (1756-1815), sa belle-sœur, Jeanne DELAVAUD (1764-1827), épouse du précédent, et son père Pierre (1730-1820), la borderie des petites rues non loin du bourg de Notre Dame de Riez. Sa mère est décédée lorsqu'il n'avait que 15 ans, son père ne s'est jamais remarié. Les familles RICOLLEAU et MASSONNEAU se connaissent bien puisque Renée et Jeanne DELAVAUD sont sœurs, ce qui fait que les frères de Jean et Louise sont des beaux frères...

Louise change donc de lieu de vie et de communauté.

Ces changements engendrent quelques démarches avec son époux puis avec ses frères. Ces démarches sont actées devant le notaire MALESCOT de Croix de Vie au cours de l’année 1803 :

Don mutuel entre époux le 13 mars (22 ventôse an XI).
  • "lesquels se sont volontairement, par les présentes, donné et donnent l'un à l'autre, par forme de don mutuel et au profit du survivant d'eux, tous et chacuns leurs biens meubles, effets mobiliers et immeubles de quelque espèce et nature qu'ils puissent être, qu'ils ont actuellement et pourront avoir à leurs décès, sans aucunes exceptions n'y réserves, pour, par le survivant jouir de tous les dits biens, en usufruit seulement, et s'en mettre en possession aussitôt le décès du prémourant..."
Le 18 mars (7 germinal an XI), sous l'autorité de son mari Louise donne quittance de portion de communauté entre Louise et la communauté RICOLLEAU à Cloison du Perrier.
  • "Entre lesquelles parties il a été reconnue par ces présentes que pour remplir lad. Louise RICOLLEAU, femme dudit Jean MASSONNEAU, de la cinquième partie au total, portion pour laquelle elle était fondée dans la communauté ou société qui était entr'elle et ledit Jean RICOLLEAU, son frère, la femme dudit RICOLLEAU, et lesdits Pierre et Denis RICOLLEAU, ses autres frères, il a été par expert convenus à l'amiable entr'elles fait estimation de tous les meubles et effets mobiliers, vifs et morts, composant la communauté dont il s'agit, d'après laquelle estimation et tous comptes et précomptes faits entre les parties qui se sont fait raison, ainsi que de droit, comme elles le reconnaissent, lad. cinquième partie de lad. communauté revenant à lad. Louise RICOLLEAU femme dudit Jean MASSONNEAU, s'est trouvé monter à la somme de deux cents cinquante francs, en conséquence ledit Jean MASSONNEAU et lad. RICOLLEAU sa femme, reconnaissent avoir enlevé et retiré en leur domicile, avant ces heures des meubles et effets mobiliers qui leur ont été délivrés par ledit Jean RICOLLEAU et audit nom, jusqu'à la concurrence de lad. somme de deux cents cinquante francs..."
    • Cet acte est passé chez eux à la borderie des petites rues. 
Le 20 novembre (28 brumaire an XII), partage avec la communauté RICOLLEAU suite au décès de son frère Pierre le 27 octobre précédent (3 jours avant ses 32 ans).
  • "lesquels ont par les présents reconnu avoir fait partage et division des meubles et effets mobiliers délaissés par feu Pierre RICOLLEAU, leur frère et beau frère, dans lesquels ils étaient fondés chacun pour un tiers et d'avoir enlevés et retirés chacun par-devant soi les meubles et effets mobiliers qui composaient leurs tiers dans ladite succession mobiliaire d'après l'estimation préalablement faite entr'eux desdits meubles et effets mobiliers par experts convenus à l'amiable entr'eux et après tous comptes et décomptes faits entr'eux (...), lesdits meubles et effets estimés cent francs."
  • "et par les mêmes présentes, lesdites parties ont aussi reconnu avoir fait partage et division des immeubles délaissé tant par ledit feu Pierre RICOLLEAU, leur frère et beau frère, que par feux Jean RICOLLEAU et Jeanne CROCHET, leur père & mère, beau père & belle mère, dans lesquelles elles sont aussi fondées chacune pour un tiers, l'effet duquel partage et pour y parvenir, elles reconnaissent pareillement avoir fait estimer lesdits biens immeubles par experts convenus à l'amiable entr'elles, et en ayant composé trois lots, les plus justes et les plus égaux qu'il leur a été possible qu'elles ont tiré au sort à la manière accoutumée..."
  • "le second desdits lots, est échu et demeure par l'évènement dudit sort audit Jean MASSONNEAU et à ladite Louise RICOLLEAU sa femme, du consentement des autres copartageants constituent dans le domaine qui suit :
    • les deux tiers à prendre au bout du midi de la pièce de terre labourable désignée et confrontée à l'article dernier du premier lot, auquel l'autre tiers de ladite pièce de terre est échue. Ce sont tous les domaines échus au second lot."
    • Cette pièce de terre, dont le tiers au nord fait partie du lot de Jean RICOLLEAU, est ainsi désignée dans ledit lot :
      • "pièce de terre labourable, d'environ trente ares (une demie charruie) située au quartier du grand champ, commune de Saint Jean de Monts, séparé des deux tiers échus au second lot, par une tranchée où il sera placé une borne, tenant ladite pièce en grand du levant terre de GUITTONNEAU de St Gilles, et du couchant à celle de Martin CROCHET (oncle maternel)."

Vient ensuite le temps des grossesses et des naissances :

1. Pierre, sosa 46, né le 16 février 1804, 
2. Jeanne Louise, née le 28 février 1806, 
3. Jean, né le 16 mars 1809 et décédé le 24 septembre 1809 à l'âge de 6 mois. 

Fin de vie et Succession

Seulement quelques semaines après la disparition de son fils, Louise s’éteint chez elle à la borderie des petites rues, le 18 octobre à « midy », près des siens, à l’âge de 28 ans, mais peu avant ses 29 ans.

Son époux et son beau-frère déclarent son décès le lendemain.

Jean MASSONNEAU, pourtant âgé de seulement 35 ans lors de son veuvage, ne se remarie jamais. Les deux jeunes enfants du couple sont pris en charge par Jeanne DELAVAUD, la belle-sœur de Jean, qui vit dans la communauté et qui n'a jamais pu enfanter.

La déclaration de succession de Louise est enregistrée le 7 avril 1810, ses deux enfants sont ses héritiers et son époux usufruitier de la moitié des biens en vertu du don mutuel :
  • "les meubles estimés cent francs"
  • "22 ares de terre labourable au grand champs à St Jean de Monts estimés deux cents francs"

Dès 1820, après la disparition de Pierre MASSONNEAU, le jeune, en 1815, et celle de Pierre, le père, Jean et sa belle-sœur vivent tous les deux jusqu'à leur décès à 4 jours d'écart en septembre 1827 !


Note : 
En juillet 1795, l'union fut célébré clandestinement car le prêtre était un prêtre réfractaire. Quelques explications données au début du 20ème siècle en avant de son registre clandestin :



Voici en quelques paragraphes la vie "reconstituée" de Louise, qui restera à jamais une jeune femme.



4 commentaires:

  1. c'est très émouvant de faire revivre ces invisibles. bravo Fred

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  2. Un fil de vie très détaillé, Louise méritait de sortir de l'ombre

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  3. Étonnant que plusieurs personnes ne se remarient pas et ces communautés. Je connais le secteur pour y avoir habité, mais pas les us et coutumes, n'ayant pas d'ancêtres vendéens.

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  4. Félicitations ! Que de recherches pour arriver à cette histoire. C'est un très bel hommage.

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