mardi 8 février 2022

Mes derniers cultivateurs, de Vendée en Charente-Maritime

Par le biais du Généathème de février proposé par Généatech, je trouve l'occasion d'écrire sur les derniers cultivateurs de mon ascendance, mes grands parents paternels Marcel PONTOIZEAU (1900-1971) et Léonide DUPOND (1905-2004). 

Leur parcours, commun à beaucoup de jeunes ou moins jeunes vendéens, est celui d'un jeune couple qui décide de quitter son "pays" natal pour migrer vers une zone professionnelle plus propice à une vie meilleure.

Cette migration de Vendéens vers des départements plus au sud est liée à la situation post crise du phylloxéra dans ces départements là. De nombreux écrits existent sur ce sujet là, juste un lien pour étayer mon propos.

"Les terres en friche ont attiré des paysans vendéens qui étaient alors en surnombre et ont décidé de tenter leur chance au sud. Ils avaient d’ailleurs une double spécialité professionnelle qu’ils ont apportée avec eux et que les Charentais ignoraient : l’élevage et le labour profond."

De ferme en ferme, de département en département, mes grands parents ont eu un parcours professionnel évolutif comme vous allez le découvrir. 

J'ai eu la chance de connaitre ce parcours par la voix même de ma grand mère, même si j'ai du le compléter par des recherches n'ayant pas eu le réflexe de poser certaines questions en son temps.

La Vendée

Marcel et Léonide commencent à se fréquenter lorsque Marcel revient de son service militaire à l'automne 1922. Ils se marient en mai 1923 sur la commune de Léonide, Notre-Dame de Riez. Lors de leur mariage, Marcel est journalier agricole et Léonide servante.

Après leur mariage, ils louent une borderie dans le petit village du Vigneau (16 habitants en 1926) sur la commune de Commequiers, en bordure de la Vie, et non loin de leurs parents respectifs. Marcel continue de partir "en journée" malgré tout pour nourrir sa famille qui s'agrandit de deux enfants en 1924 et 1926.

Anecdote : Le couple loue peut être la même borderie (deux borderies mitoyennes) que les arrière grands parents de Marcel ont loué dans les années 1830, où sa grand mère maternelle est né en 1838 et où son arrière grand père est décédé l'année suivante. Je n'ai pas encore trouvé les baux.

Vue aérienne du Vigneau aujourd'hui

En 1927, le couple prend la décision de rejoindre la sœur de Léonide, Emilie (1898-1990), et son époux, Louis CHARRON (1894-1979) qui travaillent depuis quelques années (Emilie rejoint son époux après leur union en 1921) en Charente et y exploitent depuis peu une borderie.

Marcel, Léonide et leurs enfants quittent donc leur Vendée natale pour la Charente à la Saint Michel 1927.

La Charente

La famille PONTOIZEAU arrive dans la borderie qu'exploite les CHARRON dans le village du Veillard (105 habitants en 1926) de Bourg-Charente à l'automne 1927. 

L'entente est de courte durée, et Marcel et son épouse prennent la décision de chercher leur propre borderie voir métairie.

C'est rapidement le cas et un an après leur arrivée, ils quittent la Charente pour une petite métairie en Charente-Inférieure à une soixantaine de kilomètres à l'ouest.

La Charente-Inférieure 

(ancienne appellation de la Charente-Maritime jusqu'en 1941)


Marcel et Léonide prennent donc en charge une petite métairie dans le village de Chez Vinet  (12 habitants en 1931) sur la commune de Boutenac à la St Michel 1928.

Ils y resteront trois années.

Recensement de population 1931

En septembre 1931, ils travaillent dans une ferme à une dizaine de kilomètres de leur précédente métairie, dans le village de Civrac (62 habitants en 1926) de Saint Fort sur Gironde.

Trois ans plus tard, ils changent de nouveau de ferme mais toujours sur la commune de Saint Fort sur Gironde.

C'est alors qu'ils ont l'occasion de prendre en charge une métairie de plus grande envergure à une vingtaine de kilomètres, la métairie du Breuil de la commune d'Arces sur Gironde.

Cette métairie appartient à la famille CASIMIR qui exploitait elle même leurs terres auparavant avec quelques ouvriers (trois en 1926). Au début du 20ème siècle, la famille avait déjà baillé la métairie et n'y vivait plus, ayant une autre propriété sur la commune à la Croix. Le propriétaire, Léon (1880-1965), décide de reprendre un métayer, Marcel et Léonide s'installent donc au Breuil en septembre 1937.


C'est là, qu'une année plus tard, Léonide donne naissance à un troisième enfant, Lucien (mon père).
Pour l'aider dans ses taches suite à cette naissance, la mère de Léonide, Eulalie BIRON (1874-1947) vient de Vendée passer quelques semaines à la métairie.

L'exploitation de cette métairie, 14 années, est le point d'orgue de la carrière professionnelle du couple PONTOIZEAU-DUPOND.

Marcel et son taureau

Durant la seconde guerre mondiale, Marcel est mobilisé quelques mois au printemps 1940. Léonide reste seule avec ses trois enfants dont les aînés (16 et 14 ans) qui l'aident.

Arces sur Gironde se trouve à une vingtaine de kilomètres de Royan, où l'Histoire se déroule en 1944 et 1945 pour bouter l'envahisseur hors du pays. La fameuse "poche de Royan" et les bombardements sont restés en tête de ma grand mère et de mon père pourtant très jeune à l'époque. Dans ces circonstances historiques, mon oncle Marcel (1926-1953) s'engage à 18 ans auprès des FFI en septembre 1944 et quitte sa famille.

C'est aussi à cette période, que la fille du couple, Irène se marie à 20 ans avec un cultivateur du secteur, André PRAUD, de neuf ans son aîné. Le couple s'installe à Saint Georges de Didonne.

Marcel et Léonide continuent d'exploiter le Breuil jusqu'à l'automne 1951. 

un jour de moisson à la fin des années 40,
avec une famille amie, les PIVETEAU, aussi des migrants vendéens

Anecdote : Le 29 mars 2000, avec mes parents nous avons pu entrer au Breuil, visiter la ferme et voir les pièces de vie. La propriétaire, une des filles CASIMIR née en 1930, se souvenait très bien de mes grands parents et nous livra quelques souvenirs. Ma grand mère encore vivante à cette époque mais trop âgée pour se déplacer (95 ans) fut très contente du retour de cette visite mémorielle.


Pour une raison inconnue (sans doute l'âge), le couple quitte la métairie. Marcel trouve un emploi d'ouvrier agricole chez les CAMUS, Louis (1898-1974) et Marie Madeleine (1897-1981), propriétaires sur la petite commune de Chaunac (85 habitants en 1954), à plus de cinquante kilomètres du Breuil, au sud est du département.

Les CAMUS seront aussi les premiers employeurs de mon père qui commence sa carrière professionnelle. Son premier salaire date de janvier 1953, il a 14 ans.

Après cinq années chez les CAMUS, la famille PONTOIZEAU changent de nouveau d'employeur mais aussi de département, à une quarantaine de kilomètres au nord est de Chaunac.

La Charente


En effet, c'est à l'automne 1956 que la famille PONTOIZEAU arrivent à Saint-Preuil, plus précisément  dans le petit village de Sègeville. Ils sont ouvriers agricoles chez un certain BILLOUET.

Ce qui est original, c'est que Sègeville se trouve à moins de dix kilomètres du Veillard de Bourg Charente, où Marcel et Léonide se sont installés après leur départ de leur Vendée près de trente plus tôt !

Anecdote : j'ai eu la chance d'aller en pèlerinage avec mes parents dans ce petit village il y a une dizaine d'années.

Léonide ayant l'envie d'une retraite sereine, et "ne voulant plus vivre chez les autres", d'autant plus que Marcel commence à avoir quelques soucis de santé, décide de rechercher une maison a acheter avec leurs économies, économies d'une vie de labeur.

C'est donc sur une petite annonce dans un journal qu'elle trouve son bonheur à l'été 1957. Une petite maison dans le bourg de la commune de Mazeray en Charente Maritime.

La Charente-Maritime 


L'achat est acté en octobre 1957 devant un notaire de Saint Jean d'Angély et la famille PONTOIZEAU intègre leur maison en décembre.



Une fois installé, Marcel et Léonide louent une parcelle de terre avec un jardin et une petite vigne, à quelques centaines de mètres de leur maison, pour leur quotidien.

Leur fils Lucien quitte l'agriculture et devient ouvrier menuisier quelques mois avant de partir au service militaire en novembre 1958.

La carrière professionnelle du couple PONTOIZEAU-DUPOND s'arrête donc là.



J'espère que vous aurez eu plaisir à lire le parcours de mes grands parents paternels dont voici un résumé sur une carte interactive couvrant la période de 1927 à 1957 :

8 commentaires:

  1. Quel plaisir de lire cette vie de labeur ! Merci pour ce partage !

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  2. Quels changements pour ce couple. Tu n'es donc charentais que récemment par ton père

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    1. Oui en effet, ma mère était native de Vendée mais a toujours vécu en Charente Maritime depuis ses 1 an.

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  3. Bonjour ! Merci de ce récit bien documenté. Vous connaissez sans doute l'écrivain vendéen Yves Viollier dont la famille de l'épouse a fait un "déménagement" identique à la même époque (voir "les Pêches de vigne" et autres...) Dans ma famille (cousins), j'ai eu une famille partie de l'Aunis vers le Lot-et-Garonne et une autre partie de La Bruffière vers la Vienne. Y a-t-il des associations comme les "Auvergants ou les Bretons de Paris" ? cordialement (arbre mbariteau sur Geneanet)

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  4. Quel parcours de vie ! Tu ne peux pas renier ta grand-mère - dont j'adore le prénom, la ressemblance est bien là entre vous sur ces photos que tu as publiées ici ;)

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  5. Empathie et tendresse ressortent de ce beau texte, bravo pour toutes ces recherches qui font revivre ceux d'avant

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  6. Beaucoup d'admiration pour tout ce travail accompli merci Tonton Frédéric

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