mardi 7 juin 2022

Enfants naturels dans la descendance de Jeanne

Pour le #généathème de juin 2022, Généatech nous propose d'écrire sur les enfants nés hors mariage ou autrement dit les enfants naturels.


Depuis des années, j'avais remarqué dans une branche de ma généalogie, dans la famille DUPONT(D), une répétition de naissances d'enfants naturels génération après génération. Dans cette famille, la situation précitée commence avec Jeanne GROUSSET, ma sosa 81 à la 7ème génération.

Tous les lieux cités se situent en Vendée.

Génération 1

Jeanne GROUSSET, née le 22 mai 1773 sur la paroisse de Challans, de Alexis (ca 1723-1793) laboureur et de Jeanne BOUHIER (ca 1737-1789).

Jeanne est la 8ème enfant du couple sur 10, Alexis ayant eu d'un premier mariage une petite fille décédée en bas âge. Des enfants d'Alexis et Jeanne, Jeanne sera la seule fille a atteindre l'âge adulte, ainsi que quatre de ses frères mais dont seulement deux convoleront en justes noces.

Lors du "dénombrement de population de plus de 12 ans" de l'an IV de la République, on retrouve Jeanne alors dite âgée de 26 ans en la métairie de la Barre Ferrée sur la commune de Commequiers. Dans ce dénombrement, une information indique qu'elle vit sur la commune depuis 6 ans. Ce document liste la population par ordre alphabétique. Il n'est pas daté, il parait donc anachronique avec ce qui suit, ou les informations (lieu de vie et état matrimonial) sur Jeanne sont erronées...

C'est dans cette même commune que Jeanne donne naissance à un enfant né hors mariage le 31 mai 1795 (soit le 12 prairial an III) et retrouvé sur le registre des baptêmes clandestins célébrés par le prêtre réfractaire TENEBRE seulement le 5 août suivant. Ce délai peut s'expliquer par les troubles dans le secteur en cette période (guerre de Vendée). 

L'acte de baptême rédigé d'un premier jet comme un acte de baptême d'un enfant légitime et ensuite corrigé et modifié dans le sens d'une naissance d'un enfant né de père inconnu !


Je suppose donc que ce petit Pierre est né fin mai 1795 hors mariage, mais que ses parents, André DUPONT (ca 1773-1837) et Jeanne, se sont unis avant le baptême début août. Cette interprétation est d'autant plus plausible que la métairie du "Boisvio" (Boisviaud) est exploitée par la famille DUPONT à cette époque et que, de plus, la métairie de la Barre ferrée n'est distante que de quelques centaines de mètres du Boisviaud.

En avez-vous la même interprétation ?

Le registre clandestin, qui ne couvre que la période du 4 mai au 10 août, contient quelques mariages mais pas celui du couple DUPONT-GROUSSET.

Par la suite le couple aura sept autres enfants dont deux filles que nous retrouverons dans le paragraphe suivant. 

Pierre quant à lui aura une vie relativement courte puisqu'il décède peu avant ses 18 ans alors qu'il était domestique. Il meurt chez ses parents dans le petit village de la Charreau de Commequiers le 19 février 1813.

Génération 2

Marie, première fille et second enfant du couple DUPONT-GROUSSET, est née le 13 octobre 1797 (22 vendémiaire an VI) en la métairie du Boisviaud de Commequiers.

Lors du recensement de la population de 1816, disponible pour la commune de Commequiers, Marie, âgée de 18 ans, ne vit plus avec ses parents et je ne la retrouve pas sur la commune. Elle doit être domestique sur une autre commune puisque je retrouve à Commequiers ses frère et sœur cadets déjà placés (âgés de 13 et 12 ans).

Marie, devenue journalière et âgée de plus de 30 ans, n'est toujours pas mariée lorsqu'elle tombe enceinte à la fin du printemps 1828.

Elle met au monde un petit garçon le 24 février 1829, chez ses parents au Creux Rouge à Commequiers. Ce même jour, c'est le grand père André DUPONT, journalier, qui va déclarer la naissance à la mairie.


Dès lors, Marie et son fils vont vivre quelques années chez les parents DUPONT. En effet, on les retrouve lors du recensement de population de 1831 au Creux Rouge. Marie y est d'ailleurs prénommée Jeanne !


Marie reste célibataire, et continue de vivre chez ses parents avec son fils. Après la disparition de sa mère en 1841, veuve depuis 1837, elle vit seule comme journalière alors que son fils est placé comme domestique.

Quelques années plus tard, François revient vivre avec sa mère dans le village de la Charreau de Commequiers.

En vieillissant, Marie indigente est "secourue par la charité". François quant à lui se marie en novembre 1862 avec une jeune fille de 20 ans, Rose BOURON (1842-1900). Il est alors journalier à la Charreau.

Marie s'installe avec le jeune couple au grand Village de Commequiers et y meurt quelques années après, le 12 octobre 1867, la veille de ses 70 ans. Son fils François va déclarer cette disparition à la mairie le lendemain et il donne à sa mère l'âge de 78 ans !

François, après avoir eu de nombreux enfants jusqu'en 1882, meurt quelques années plus tard le 25 avril 1891 à 62 ans dans sa maison du Point du Jour de Commequiers. 


Revenons quelques décennies plus tôt avec la jeune sœur de Marie, Rose Charlotte.

Rose Charlotte, est née le 19 octobre 1802 (27 vendémiaire an XI), toujours à Commequiers. Elle est la quatrième enfant et seconde fille du couple DUPONT-GROUSSET.

Lors du recensement de la population de 1816, cité plus haut, Rose alors prénommée Marie, âgée de 13 ans, est domestique à l'Hermitage de Commequiers chez Jean PRAUD.

Quelques années plus tard, en 1822, Rose tombe enceinte à l'approche de ses 20 ans. Elle met au monde une petite fille, Joséphine, le 11 mars 1823. Cette naissance a lieu chez ses grand parents DUPONT à la Charreau, proche du grand Village. C'est André, le grand père, qui déclare la naissance le jour même.


Rose et sa fille restent vivre dans le foyer DUPONT-GROUSSET. On les retrouve lors du recensement de 1831 (voir plus haut) et 1836. 



En 1839, en quelques jours, Joséphine puis sa mère vont perdre la vie. Tout d'abord, le 31 mars, Joséphine, alors domestique chez Jean BOURMAUD des Plantes, s'éteint chez sa grand mère au Creux Rouge, là où elle a vu le jour tout juste 16 ans plus tôt. Et puis, le 17 avril, Rose Charlotte meurt à son tour au Creux Jaune (!), elle y vivait avec sa mère et y était journalière. Rose avait 36 ans. C'est son frère André (1806-1855) qui déclare son décès le lendemain.

C'est d'ailleurs avec les filles d'André, mon aïeul, que nous allons continuer.

Génération 3

André, le frère cadet de Marie et Rose Charlotte, est né le 18 décembre 1806 à la Charreau. Il est le 6ème enfant et quatrième fils du couple DUPONT-GROUSSET.

Il est placé comme domestique aux alentours de ses 10-12 ans comme c'était la coutume dans les familles pauvres à l'époque. En 1828, il est domestique sur la commune voisine de Commequiers, Notre-Dame de Riez. Dans les années 1830, il entre aux services de Jean MILCENT dans la métairie de St Ambroise. C'est là qu'il rencontre sa future épouse, Marie-Louise MILCENT (1818-1876), la nièce de son patron, orpheline de père depuis son enfance (1823) et aussi domestique.

André et Marie-Louise s'unissent en juin 1838. Ils auront 8 enfants entre 1839 et 1854.

Rose Adelle, est la troisième enfant et seconde fille du couple DUPOND-MILCENT. Elle est née le 23 septembre 1843 dans le village de la Bloire de Notre-Dame de Riez.

Domestique dès la fin de son enfance, en 1856, elle y est dans le village des Boucheries chez Charles BOURMAUD, puis en 1866, elle y est au Clouzis chez François BERTHOME, le frère de son beau-frère.

C'est cette année-là que Rose tombe enceinte. Au début de l'année suivante, le 17 février 1867, une petite Rose Eulalie voit le jour dans le village de Port Neuf. Le lendemain, c'est Alexandre DUPOND (1841-1912), le frère aîné de Rose, chez qui elle vit et a fini sa grossesse, qui déclare la naissance.


Par la suite, Rose et sa fille, prénommée usuellement Marie-Rose, s'installent dans la maison de sa mère près du Moulin Rouge. En effet, cette dernière était louée depuis le remariage de Marie-Louise MILCENT en 1862, mais vient d'être libérée depuis peu en 1867.

C'est là que, alors qu'elle n'a que 26 ans, Rose s'éteint le 27 juin 1870. Sa mère était devenu veuve depuis le 11 !

La petite Marie-Rose, qui n'a que 3 ans, est pris en charge par sa grand mère, revenu dans sa maison après son veuvage, et sa jeune tante Hortense (1854-1877). Marie-Rose est "secouru par la Charité".


Après le décès de sa grand mère à l'été 1876, Marie-Rose s'installe dans le foyer de sa tante Marie (1839-1883), veuve de Pierre Louis BERTHOME (1831-1870) et mère d'un petit Pierre (1869-1898), un peu plus jeune qu'elle.

Ensuite placée comme domestique, je perds sa trace jusqu'à son mariage, le 22 août 1898 sur la commune de Croix de Vie avec un marin, Charles VINCENDEAU (1870-1925). A cette date, elle est domestique sur ladite commune. Ses témoins sont ses cousins germains, elle a donc garder contact avec les membres de sa famille.

Après 1909, le couple et leurs deux filles s'installent sur la commune voisine de Saint Gilles sur Vie. Charles s'éteint le premier en 1925 à l'âge de 55 ans. Je perds la trace de sa veuve à partir de là.

Je ne trouve pas la trace de Marie-Rose dans les tables de successions et absences jusqu'en 1954... peut-être est-elle décédée après ? ou a-t-elle suivi sa seule fille survivante ? (Elle-même décède en 1973 à Lorient et inhumée à Riantec dans le Morbihan).

De nouveau, revenons un peu en arrière.

Marie Aimée, usuellement simplement Aimée, est la 5ème enfant et 4ème fille du couple DUPOND-MILCENT. Elle est née le 11 mars 1850 au Moulin Rouge dans la bourrine du couple construite depuis environ 5 ans.

Aimée, orpheline de père à l'âge de 5 ans, reste dans le foyer dans sa bourrine natale jusqu'au remariage de sa mère en 1862. Elle est alors mise aux services d'un cultivateur dans une ferme alentour (pas sur le territoire de la commune de Notre Dame de Riez en 1866 et 1872).

A l'automne 1875, Aimée se trouve enceinte. Elle vient finir sa grossesse chez sa mère au Moulin Rouge. C'est là que Mathurin Célestin voit le jour le 20 juin 1876. Sa naissance est déclaré le soir même par un voisin et sa mère est dite journalière.


Quelques semaines plus tard, le 8 août, la grand mère, Marie-Louise meurt à l'âge de 57 ans. Aimée et son fils quittent donc la bourrine et s'installent alors à la Maison Neuve. Mathurin ne vivra pas très longtemps après, le 27 août il décède à seulement deux mois.

Aimée s'installe alors au Bois Blanc où on la retrouve seule lors du recensement de population de 1876, en fin d'année.

Par la suite, on retrouve Aimée dans le bourg. C'est là, qu'elle tombe de nouveau enceinte à la fin de l'été 1879. Elle accouche le soir du 25 mai 1880 d'une petite fille, Marie-Rose Aimée. Un cousin éloigné va déclarer la naissance à la mairie le lendemain, il prénomme la mère Aimée Marie-Rose et la dit âgée de 32 ans.


Malheureusement, la petite Marie-Rose meurt aussi en bas âge le 2 novembre suivant à l'âge de 5 mois. Le décès est déclaré par un voisin, Jean-Marie POGU, à la profession bien particulière : preneur de taupes !

Quatre ans plus tard, alors journalière sur la commune voisine de Saint Hilaire de Riez, Aimée, âgée de 34 ans, finit par se marier avec un veuf (par deux fois) de 23 ans son aîné, Jean VRIGNAUD (1827-1908). Les témoins de Aimée, sont son oncle André BRIAND (1829-1894) et son frère Alexandre (déjà cité plus haut). Le couple n'aura pas d'enfant.

Aimée s'installe chez son époux à la Maison Neuve, où il vit avec ses fils.

Une fois veuve, elle continue de vivre avec les fils de Jean. C'est donc à la Maison Neuve que Aimée s'éteint à l'âge de 71 ans le 4 octobre 1921.

Pour la génération suivante, nous allons partir de la dernière fille d'Alexandre (cité plus haut), frère aîné de Rose et Aimée, et mon aïeul.

Génération 4

Clératine Melda, usuellement Imelda, est la 8ème enfant et 3ème fille d'Alexandre et Marie-Rose BURGAUD (1843-1939). Elle est née dans le village de Port Neuf de Notre Dame de Riez le 23 décembre 1884.

Imelda, contrairement à ses frères et sœurs, ne sera jamais placé comme domestique et deviendra couturière-tailleuse. Elle restera chez ses parents jusqu'à son union en pleine guerre mondiale en 1917.

Entre temps, en 1906, Imelda, qui vit donc dans la maison de ses parents aux Acacias, tombe enceinte. 

Son fils Emile Pierre Auguste Joseph voit le jour le 19 mars 1907. Le lendemain, le grand père va déclarer la naissance. Imelda ira reconnaitre son fils à la mairie le 9 avril suivant.


Quelques années plus tard, lors de son mariage avec Imelda, le 6 novembre 1917, Louis BONHOMMEAU (1891-1929) reconnait Emile, qui change donc de patronyme à 10 ans. Louis est mobilisé, cette union se fait lors d'une permission. Il ne sera libéré qu'en août 1919 et retrouve son épouse. Par la suite, il sera employé des chemins de fer de l'Etat.

Malgré cette union, Emile continue de vivre avec sa grand mère veuve depuis 1912. Il devient menuisier. 

Emile adolescent

Très attaché à son aïeule, c'est lui et son épouse qui l'accompagneront dans ses derniers jours (vous pouvez lire mon billet sur cette fin de vie) à la fin des années 1930.

Imelda et son époux auront deux autres fils dont un qui meurt à 2 ans et demi, peu de temps après son père en février 1929.

Longtemps veuve, Imelda meurt chez son second fils, Gabriel (1920-1997), à Saint Hilaire de Riez en décembre 1972, quelques jours avant ses 88 ans.

Emile aura la même longévité et s'éteint à l'âge de 88 ans le 8 mai 1995. 

Hors sujet : C'est sa veuve Angélina BARBREAU (1911-2004), rencontré en 1998, qui me donna à ma grande joie, l'unique photo de l'aïeule Marie-Rose BURGAUD avec d'autres photos de la famille et de nombreuses anecdotes.


Voici donc ce que je peux dire de cette lignée, 7 enfants nés hors mariage sur 4 générations et un peu plus d'un siècle. Comme vous avez pu le lire, les jeunes filles qui ont connu la situation d'être enceinte hors mariage n'ont pas été rejetées par les membres de la famille, contrairement aux idées reçues sur le sujet. Le milieu relativement pauvre et donc plus solidaire n'y est peut-être pas pour rien.
Pour résumer tout cela, une frise chronologique : 




4 commentaires:

  1. Voilà un article qui ne véhicule pas l'idée - souvent erronée - de la "fille mère" rejetée par sa famille et ses voisins...

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  2. Impressionnant tous ces enfants qui sont décédé trop jeunes

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  3. J ai remarqué généralement une courbe impressionnante des naissances hors mariage au XIX e siècle, la révolution des mœurs à accompagné la Révolution

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  4. …et si l’on parlait d’impact des générations sur les descendants 😉

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