Me voilà dans le bourg de Damvix, en plein cœur du marais poitevin. Je ne sais quelle est la date du jour, mais nous sommes un dimanche, un magnifique dimanche ensoleillé, les oiseaux chantent et annoncent un printemps prochain. La messe dominicale vient de se terminer depuis quelques minutes, les cloches de l'église sonnent ...
Je ne sais pas encore pourquoi je me retrouve devant l'entrée du cimetière, en plein bourg, à quelques mètres de l'église. Cette église là, je ne l'ai jamais vu puisque démolie pour faire place à une nouvelle construite au même endroit au milieu du 19ème siècle.
Je suis complètement dépaysé, ce cimetière à cette endroit là du bourg me perturbe aussi, pourtant ce bourg je le connais bien mais tout est tellement différent, et tellement moins de maisons ...
Les villageois regagnent peu à peu leur maison après ladite messe, certains descendent vers le port, à l'opposé du cimetière, pour retrouver leur "plate" afin de prendre la Sèvre Niortaise pour rentrer chez eux via les voies d'eau.
Les villageois qui me voient devant le cimetière me saluent et, sans aucun doute, me trouvent suspect.
Quelques personnes entrent dans le cimetière et vont se recueillir sur les tombes de leurs proches.
J'observe, discret, ces scènes de recueillement dans ce cimetière emplie des croix de bois, très rare sont les stèles en pierre. Je vois quelques tombes dont la terre a été récemment retournée.
En appréciant tous ces éléments, j'estime être dans le premier quart du 19ème siècle.
En appréciant tous ces éléments, j'estime être dans le premier quart du 19ème siècle.
Le temps s’assombrit, quelques cumulus voilent le soleil.
Sans l'avoir aperçu auparavant, un jeune garçon d'un aspect chétif, que j'estime être âgé d'une dizaine d'années, est assis par terre à quelques mètres de moi et m'observe. Le garçonnet se lève et s'approche de moi. Dans un patois que je comprends étonnamment, il dit : "bonjour, Frédéric, maman m'a dit que tu allais venir me voir, elle avait raison".
Très surpris, je commence par lui demander comment il se nomme, il me répond : "Je suis Louis BOUCHET".
Quelques secondes pour me remettre de cette approche surprenante, et le petit Louis me prend la main, comme s'il me connaissait depuis toujours, et me demande de le suivre ...
Je l'interroge alors : "Tu es donc le fils de Jacques et d'Elisabeth ?"
Louis me répond : "oui bien sur, et maman, avant d'aller au ciel m'avait dit que tu n'allais pas tarder à venir me voir !"
"Ah bon ?!, mais comment sais tu que je suis le Frédéric dont ta maman t'a parlé ?"
Louis me raconte alors ce qu'Elisabeth, sa mère, lui avait dit : "quelques jours après que je sois parti au ciel, Frédéric viendra d'un autre temps et t'attendra devant le cimetière pour te voir et te dire que je ne suis plus malade et que je prends soin de toi de là haut"
A ce moment, là, Louis qui me tient toujours fermement la main, s'arrête devant une tombe dont la terre est encore humide d'un ensevelissement récent et dont la croix de bois a été nouvellement plantée. De sa voix qui est devenue plus émue, il me dit : "c'est ici que le corps de maman a été enterré la semaine dernière", il rajoute en sanglotant : "alors c'est vrai qu'elle ne souffre plus et qu'elle va prendre soin de moi depuis le ciel ?"
Ma réponse ne peut être qu'empathique et bienveillante envers ce petit garçonnet attristé par la disparition récente de sa maman : "Oui, elle est maintenant sereine et apaisée, et comme je suis là avec toi comme elle te l'avais dit, tu peux me croire, elle nous regarde de là où elle est, et souhaite que tu deviennes un jeune homme courageux, que tu sois heureux, et que tu vives de très nombreuses années ..."
Louis, qui me regarde affectueusement, ne pleure plus, il me sourit et me dit "Merci Frédéric".
Il me lâche la main et on entend alors une grosse voix criée "Louiiissss !!!". Cette voix qui me semble familière est venue d'une maison assez proche du cimetière. En effet, la maison familiale BOUCHET ne se trouve qu'à quelques dizaines de mètres dudit cimetière.
Le garçonnet me dit alors : "c'est papa". Il se dirige vers l'entrée du cimetière, là où nos regards se sont croisés quelques minutes plus tôt, et après quelques pas, il se retourne vers moi et me lance d'une voix malicieuse "à bientôt Frédéric !".
Très ému de cette rencontre complètement impromptue, je met quelques minutes à vraiment réaliser que je suis devant la tombe de mon aïeule Elisabeth THIBODEAU.
Cette dernière est décédée en fin de nuit, le dimanche 16 mars 1806, dans sa maison du bourg de Damvix à l'âge de 48 ans.
Quelle émotion en effet, d'avoir pu durant quelques minutes, côtoyer et échanger quelques mots avec son fils Louis, né en janvier 1796. Louis, ce garçonnet de 10 ans, qui deviendra l'arrière grand père de mon grand père maternel ...
Maintenant seul dans le cimetière, je m'agenouille devant la tombe d'Elisabeth et ferme les yeux ...
Très beau billet, particulièrement émouvant. Bravo !
RépondreSupprimerBeau texte
RépondreSupprimerAu fil de la lecture ma gorge s'est nouée.
chapeau, comme j'aimerai être aussi douée
RépondreSupprimerMême si c'est un peu triste, c'est une jolie histoire. le petit garçon sur la photo ressemble étrangement à "Jacquou le croquant" dans la série télé qui a passé sur le petit écran il y a bien longtemps déjà.
RépondreSupprimerC'est exactement cela, c'est une photo de "Jacquou". Cette série m'a beaucoup marqué enfant et par la suite !
SupprimerJ'étais impatient de lire suite à ton teasing et je ne suis pas déçu !
RépondreSupprimerCe n'est pas bien de faire pleurer vos lecteurs! Quel beau rendez-vous! Annick H.
RépondreSupprimerMerci Annick :)
SupprimerC'est très beau et très émouvant. Tu as trouvé les mots justes pour apaiser la douleur et la tristesse du petit Louis. Je suis touché. On aimerait tant le serrer dans ses bras pour le réconforter et lui dire que sa maman veillera toujours sur lui... Merci Frédéric.
RépondreSupprimerJe suis touchée par cette rencontre avec ce jeune garçon.
RépondreSupprimerPlein d'empathie et même de la poésie dans les échanges avec le petit Louis. Très beau et émouvant rdvancestral!
SupprimerQuel beau rendez-vous ancestral tout rempli d'émotions. Bravo.
RépondreSupprimerC'est étonnant qu'ils te reconnaissent aussi facilement... Mais tu dois certainement leur ressembler : un air de famille bien sûr !
RépondreSupprimerPeut-être, puisque je ressemble physiquement à ma branche maternelle, maman étant l'arrière arrière petite fille du petit Louis ...
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